Interview: Julien de 7Weeks

Il y a quelques jours, nous avons eu le plaisir de poser des questions à Julien, bassiste et chanteur du groupe limougeaud 7 Weeks, pour parler de leur nouveau EP. Comme un cycle qui ramène inévitablement à l’œuvre à laquelle il est rattaché, « What’s Next ? » illustre parfaitement l’abnégation du groupe qui retourne chercher son rocher après avoir subi l’annulation de toute sa tournée en mars dernier…

 

RiskTheDeath : Alors que votre album « Sisyphus » est sorti en Janvier dernier, vous présentez une nouvelle phase du cycle Sisyphus avec cet EP « What’s Next? », enregistré en Juillet: tout d’abord, est-ce qu’on peut dire que vous êtes un groupe qui est en besoin constant d’écriture, qui est incapable de rester inactif?

Julien : Oui on peut dire ça ! Écrire et créer est une seconde nature pour un musicien donc cela revient vite et quand au fait de ne pas rester inactif, oui ça nous définit bien.

RTD : Dans « What’s Next? », on retrouve donc des inédits issus des sessions d’enregistrement, des versions alternatives des morceaux de votre album « Sisyphus », et une cover: cet EP est-il considéré comme une extension de votre album?

J: Exactement il a été pensé comme cela, les morceaux ont tous un rapport avec « Sisyphus », les 2 disques rassemblés ressemblent à ce qu’aurait pu être « Sisyphus », une sorte de double album.
Certains morceaux avaient été écarté du tracklist ou de l’enregistrement de « Sisyphus » car cela nous semblait équilibré comme cela mais tous ces morceaux ou tous ces aspects du groupe (acoustique notamment) étaient présents lors de la conception de l’album en 2018/2019, on a juste affiné les choses et privilégié le côté solaire de « Sisyphus » pour le choix des morceaux. Le EP « What’s Next ? » est plus sombre dans sa partie électrique ou plus introspective et intime dans l’acoustique.

RTD : Comme pour « Sisyphus », l’artwork a été confié à Gilles Estines: celui-ci a quelques ressemblances avec le bison de l’album, mais pourquoi avoir choisi le corbeau pour cet EP?

J: C’est Gilles qui a choisi, on lui avait juste donné comme consigne de garder une cohérence visuelle avec « Sisyphus », il a exploité le côté plus froid du EP avec ce paysage de fjord et ces corbeaux. Les 2 ensembles sont très beaux et complémentaires.

RTD : Parmi les inédits, on retrouve le morceau « Intimate Hearts » que vous avez jugé trop sombre pour le mettre dans l’album. C’est un titre qui évoque une humanité écrasée et qui offre ses pensées les plus intimes à un dieu hypnotique, moderne et très puissant: ce titre fait-il écho aux nouvelles technologies et notamment à internet et aux réseaux sociaux? La situation actuelle le remet-il encore plus au goût du jour?

J: Bien sur, c’est tout à fait ça. On est face à une addiction et un abandon total des gens aux réseaux sociaux où ils livrent sans pudeur et sans dignité tout ce qui leur passe par la tête. J’aimerais pouvoir naviguer pour avoir des infos ou voir des clips des groupes qui me plaisent ou en découvrir de nouveaux sans tomber sur les avis de Monsieur «  Tout Le Monde «  sur tout et n’importe quoi mais c’est malheureusement impossible. C’est lâche, irraisonné, indécent.
Ce morceau parle de ça et c’est pour cela qu’il est très sombre, il n’y a pas d’espoir là-dedans. Heureusement il y en a ailleurs.

RTD : Le clip de cette chanson a été réalisé par William Windrestin et met en scène la comédienne Elisa Delorme. C’est un clip presque entièrement en noir et blanc: pourquoi avoir fait ce choix? Le noir et blanc apporte-il un effet de plus, qui appuie votre message?

J : C’est un choix du réalisateur, il voulait quelque chose de graphique et contraire. Le noir et blanc peut exprimer le côté tranché des avis des gens, il n’y a plus de nuances, plus d’alternatives, tout est acté, on est pour ou contre, on a de gauche ou de droite, on mange les bonnes choses ou on est un pollueur, on sait ou on est un con, etc… Le monde et la vie en général sont heureusement beaucoup plus nuancés.

RTD : Vous proposez également une version alternative des morceaux déjà présents dans l’album, et notamment « Idols » qui a eu le droit à sa version acoustique; un morceau qui parle des héros musicaux (partis trop tôt) et enregistré en « one shot »: la façon dont a été enregistré ce morceau, permet-elle de montrer le groupe sans artifice?

J : Oui et c’est un des exercices le plus dur, enregistrer en une fois avec les voix. On a perdu l’habitude de faire comme ça, conforté les logiciels de son qui permettent de tout séparer. Mais le fait d’ enregistrer comme ça permet de capturer quelque chose d’intangible mais qui rend le morceau très vivant, très authentique, en tous cas on l’espère (sourire). C’était un super challenge mais on voulait le faire comme ça : puisqu’on ne pouvait plus jouer sur scène on allait enregistrer comme si on était en concert pour restituer ce côté organique propre à la performance live.

RTD : Vous avez également présenter une reprise dans cet EP, et notamment le cover « Cirkus » du groupe King Crimson: pourquoi l’avoir mis côté pour lors de la composition du tracklist de « Sisyphus »?

J: Parce qu’il fait 6 minutes et qu’on avait déjà un morceau de cette longueur (667-off) sur le tracklist. De plus là encore, il dénotait avec le côté « solaire«  que l’on voulait garder sur l’album. Il a toute sa place sur « What’s Next ? » à coté d’« Intimate Hearts » par exemple ou des acoustiques avec ses parties de folk complètement barrées !

RTD : Cette reprise a-t-elle été une sorte de défi pour vous; d’autant plus que « Lizard » est un album particulier de King Crimson? Ce groupe fait-il parti de vos influences? Dans cette optique, ce cover est-il une sorte d’hommage?

J: Oui c’est un hommage à un groupe incroyable que l’on adore. Il fait partie de nos influences même si je pense que ça ne s’entend pas trop en général dans notre musique. Il y a plein de morceaux plus connus de King Crimson mais celui là avait un truc qui me faisait dire qu’il ferait une super reprise pour 7Weeks.

RTD : William a également réalisé ce clip, qui met en image une métaphore de la monstrueuse parade: est-ce que tu peux nous parler un peu plus de cette allégorie?

J: Je vais citer William : Le clip de « Cirkus » c’est l’idée de « la monstrueuse parade », l’idée que les bêtes de cirque ne sont pas où l’on pense. « Freaks » est une évidence sur un morceau pareil : ce qui compte, c’est ce qui est derrière le masque, derrière la représentation. Il y a aussi l’idée d’être amputé de quelque chose. On peut bien sur faire un parallèle à ce que nous vivons,quand le vide prend place au sens propre comme au figuré.

RTD : On note également la participation de Gérald Giménez sur ce morceau, et notamment sur les guitares: comment s’est passée la collaboration avec Gérald, d’autant plus qu’il faisait parti de 7Weeks de 2016 à 2018?

J: « Cirkus » a demandé une somme de travail très importante, plus que tous les autres morceaux réunis (rires). C’était un monstre à adapter, il nous fallait du «  renfort «  et de plus Fred (guitare) n’était pas trop dans le délire du morceau. On a donc demandé à Gérald de bosser avec nous car il fallait l’envisager avec 2 guitares. Il a répondu oui immédiatement et ce morceau est pile dans ses cordes, il a vraiment su amener des arrangements à la manière du King Crimson d’aujourd’hui sur ce morceau de 1970. C’est ce qu’on cherchait à faire en écoutant beaucoup de live pour s’inspirer de leur manière de jouer.

RTD : Enfin pour finir, comment voyez-vous cette période à la fois pour la culture de façon générale, et à la fois pour les artistes et les groupes comme vous? Comment voyez-vous votre futur?

J: On attend de voir ce qui va se passer sur le début 2021, c’est ce qui va déterminer la période d’au moins jusqu’à septembre/octobre. On a pas mal de dates de reportées et ce, dès janvier, mais on ne sait pas si elles auront lieu. C’est une période difficile, la culture institutionnalisée va prendre cher c’est sûr, la création heureusement se moque des tracas et des aléas de la vie. Ce qui va être le plus dur je pense est la perte ou la remise en question d’un système de diffusion où les petits et moyens acteurs pouvaient avoir une certaine place, une certaine légitimité. J’espère que ce qui se profile avec Amazon pour les commerces ne va pas de concrétiser de la même manière dans la musique…

RTD: Merci pour tes réponses et bonne continuation dans les projets futurs de 7Weeks…

 

En remerciant, Romain de l’Agence Singularités pour l’opportunité de cette interview; 7Weeks et plus particulièrement Julien pour leurs réponses…

Pour retrouver l’interview de Julien de 7 Weeks au moment de la sortie de « Sisyphus », c’est ici.

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