Interview : Job de Tagada Jones et FauxX

Aujourd’hui, Jean Baptiste Tronel, alias Job, batteur de Tagada Jones nous fait l’honneur de répondre à nos questions. Au programme, le nouvel album de Tagada Jones, sa nouvelle batterie mais également FauxX, un nouveau projet ambitieux et sombre.

 

RiskTheDeath : Bonjour Job, et merci de prendre le temps de répondre à nos questions. L’album de Tagada Jones « A Feu et à Sang » est sorti le 30 Octobre 2020 (même le 29), comment celui-ci a été reçu par les fans et les différents médias ?

Job : Salut Lilian, merci à toi de me donner l’opportunité de répondre à quelques questions. Eh bien écoute je crois que l’accueil par les médias et les fans a été super bon. Il y a une certaine évolution dans notre style. On a vraiment pris plaisir à composer cet album. Du coup, certains préfèrent et d’autres, comme nos vieux fans, préfères la période où Tagada Jones était vraiment très très bourrin… mais globalement oui, je dirais que l’album a été super bien accueillis. Malgré le fait qu’on ne puisse pas le défendre sur scène.

© Isis Picture Show

RTD : Beaucoup d’artistes ont repoussé leur sortie d’album. Vous l’avez avancé d’un jour, pourquoi avoir choisie de maintenir cette sortie ? Pour permettre aux fans de combler leur ennui mortel durant cette période creuse ?

J : Tu as raison, on a décidé de sortir cet album pendant le confinement et la période de crise. Même si très peu d’artistes le font. Ça nous semble plutôt logique de proposer notre nouvel album à écouter pendant cette période de trouble et d’ennui… Malgré le fait qu’il n’y ait pas de tournée qui suive…

RTD : La pochette de votre album, qui semble être un clin d’œil à Banksy, un artiste connu pour son côté provocateur (on se souvient notamment de son œuvre qui s’était auto-détruite lors d’une vente aux enchères) représente une fille avec un baril. Qu’est-ce que cette pochette signifie ?

J : C’est évidemment un clin d’œil à Banksy ! On adore son travail et sa démarche. Ça nous ressemble un peu je trouve. Chacun peut interpréter la pochette comme il le souhaite. Il y a une petite fille, qui semble s’amuser avec un bidon. Le bidon semble rempli de substances hautement toxiques et inflammables … Pour le titre, « A feu et à sang », je pense personnellement que c’est une déclaration d’amour pour la nouvelle génération. Un peu comme nous les Tagada Jones, on leur souhaite de vivre leur vie à feu et à sang, de se foutre des préjugés, de ce qu’on pense d’eux, de faire les choses par soi-même, essayer de vivre sa vie en ayant aucun regret. Vivre sa vie à 110 %.

RTD : Votre Clip « Nous Avons La Rage » est sorti pendant le confinement, il était important pour vous d’intégrer vos fans dans ce projet à défaut de pouvoir être en contact avec eux physiquement ?

J : Ça peut paraître un peu bizarre et guimauve, mais je suis souvent ému quand je regarde ce clip. Ça me touche vraiment de voir tous ces gens réunis. Surtout que le morceau et les paroles sont très forts. C’est un appel à la résistance ! Ça fait 25 ans que je fais de la musique, et je peux te dire que le public de Tagada Jones est le meilleur que j’ai pu voir. Évidemment il y a quelques manipulateurs, quelques langues de pute, quelques jaloux, mais franchement, on ne fait plus attention à eux…

RTD : Vous avez également sortie le clip du titre « le dernier baril » avec des flammes à la Rammstein mais également accompagné des bidons de l’an fer. Explique-nous la genèse de ce titre puissant et de ce clip tout aussi musclé. Pouvons-nous espérer retrouver les bidons de l’an fer sur scène à vos côtés ?

J : Ce titre a été un des derniers que l’on a composés. On l’a fait assez facilement, en très peu de temps. On voulait un truc archi efficace qui rentre dedans, sans fioritures. « In your face » comme on dit. On connaît bien les gars des bidons de l’an Fer, vu les paroles et le contexte il était évident qu’il fallait qu’ils viennent sur la vidéo. On a passé un super moment avec eux ! Eh oui Lilian, tu penses bien qu’on a prévu de faire des lives avec eux… Mais ça, je ne peux pas t’en dire plus pour le moment… la première avec eux aurait dû être lors de notre festival On n’a plus 20 ans

RTD : Parmi les titres forts, « La Biche et le Charognard » (qui semble être un clin d’œil non dissimulé au groupe des « Bérurier Noir ») a séduit un grand nombre de fans. Il était important pour vous de parler d’un sujet important comme les violences conjugales ou le harcèlement que peuvent subir les femmes ?

J : En effet, la rythmique guitare et les chœurs sont des clins d’œil aux berus. C’est assumé et d’ailleurs on l’a déjà fait par le passé avec un morceau comme « Karim et Juliette ». C’est clairement un hommage. Les violences et le harcèlement que subissent les femmes existent et perdurent encore et toujours… L’histoire que raconte ce morceau, c’est du vécu et ça arrive très souvent. Il faut donc être très vigilant et ne rien laisser passer.

RTD : Sur le titre « Elle Ne Voulait Pas », vous êtes accompagné de Didier Wampas. Comment ce titre a été composé ? Vous l’avez entièrement composé et proposé à Didier ? Didier l’a composé et est venu vous voir ? ou alors c’est un travail commun ?

J : Niko avait déjà écrit les paroles avant de demander à Didier. Mais oui, c’était prévu. En plus Niko est grand fan des Wampas depuis son adolescence, et vu la couleur du titre, ça collait parfaitement pour Didier. Super collaboration avec un mec super sympa. Une très belle rencontre pour ma part !

RTD : On pouvait s’attendre à d’autres collaborations, notamment avec Sick of it All. Pourquoi cette collaboration n’a pas pu voir le jour ? est-elle toujours dans les tuyaux pour un prochain album ?

J : En effet on devait faire une collaboration avec Sick Of It All, on avait même pensé un morceau, pratiquement fini de composer, mais finalement avec cette pandémie on a laissé tomber… Mais oui c’est toujours dans les tuyaux bien évidemment. Il s’avère qu’avec les années, on a vraiment développé une vraie amitié. Pour moi ce n’est pas rien tout ça. Sick Of It All était mon groupe préféré quand j’étais ado. On a découvert des gens vraiment adorables, respectueux bien loin de tous les clichés que représentent certains groupes de hardcore new-yorkais…

RTD : Finalement, cet album est assez hétérogène, était-ce une volonté de votre part ou alors en composant vous vous êtes rendu compte que vous partiez explorer tel ou tel style ?

J : Je ne vais pas te mentir, bien évidemment qu’on fait un album hétérogène. Un peu comme notre public finalement. On ne veut pas faire un album avec 15 morceaux identiques. Tagada Jones n’a jamais fonctionné comme ça. Et quand tu regardes les 4 individus qui composent le groupe, on écoute tous des choses différentes aussi. On n’a pas de limite, on n’a pas de cahier des charges et puis avec la voix si singulière de notre chanteur, on peut à peu près jouer n’importe quoi ! Ça sera toujours du Tagada de toute façon. Je crois que c’est ça aussi notre force.

RTD : On a pu voir récemment sur les réseaux que vous aviez pu vous retrouver tous les 4 pour répéter. Ça fait du bien de vous retrouver et de rejouer ensemble (même si c’est sans publique) ? On a pu voir une nouvelle organisation avec Steph au chant, Waner derrière les futs, Niko à la basse et toi à la guitare. Peut-on espérer voir ce petit remaniement pour un titre lors de votre retour sur scène ? ça pourrait être marrant non ?

J : Figure-toi qu’on a pensé à un truc comme ça pour la tournée. Inverser les instruments et faire un petit morceau assez fun. On verra… mais c’est sûr qu’à un moment ça peut apporter un peu de fraîcheur au concert. Le côté pas trop prise de tête tout ça, on aime bien aussi.

RTD : En parlant de vous retrouver tous les 4 justement, vous avez pu ces derniers faire votre résidence du côté de Besançon. Comment s’est passé cette résidence ? Le show est calé c’est bon ? le choix de la chanson d’ouverture est fait ? dis-nous tout 😉

Je ne te dirai rien quant aux nouveaux morceaux qu’on va insérer dans la setlist. Mais comme d’habitude, vu qu’on est fier de notre nouvel album, on va vraiment le défendre et en jouer plus de deux ou trois sur scène !

RTD : Vos dates au Trianon que vous espériez pouvoir conserver jusqu’au dernier moment n’ont pas pu avoir lieu, cette sorte de release party a été décalée les 14 et 15 Mai 2021. Aura-t-elle le même impact pour vous ? ou s’inscrira-t-elle dans le reste de la tournée (Vous avez notamment annoncé une date à la Laiterie de Strasbourg le 28 Mars) ?

J : À l’heure où je te parle, (mi-janvier), on ne sait pas encore comment va se dérouler la tournée… Ce que je peux te dire, c’est que depuis cette putain de pandémie, 70 dates ont sauté. Dont un tour du monde ! Faire le Trianon deux soirs de suite était vraiment quelque chose qui comptait. On voulait prouver qu’un groupe de Punk rock indé pouvait blinder le Trianon deux soirs de suite. Un groupe de rock indé breton, pas parisien… On est fier d’où on vient on est fier de ce que l’on fait alors oui ces deux dates était quand même importante pour nous. Mais on n’a pas dit notre dernier mot… Tu connais Niko

RTD : En parlant de dates marquantes repoussées, il y a également votre anniversaire à Fontenay le Comte, qu’en est-il aujourd’hui ?

J : Même réponse qu’à la question précédente, je ne peux pas t’en dire plus pour le moment… Mais évidemment on gardera toujours ce festival et on le fera chaque année quand cela sera possible…

RTD : Comment voyez-vous cette crise pour le monde du spectacle ? C’est une période qui va laisser une mauvaise trace. En tant que bretons, la fermeture de certains lieux emblématiques tel que le Mondo Bizarro vous a surement touché non ?

J : En Bretagne, on est comme tout le monde, on subit cette crise. Le propriétaire du Mondo Bizarro vient de revendre l’établissement car apparemment il ne pouvait plus gérer les factures qui s’accumulaient… les bars, les restaurants et tous les indépendants se retrouvent sans rien… Nous finalement, pour le moment, on n’est pas les plus à plaindre… Le Mondo Bizarro, c’était la plaque tournante pour les indés. Toute la scène rennaise perd énormément… Qui aura le courage et les couilles de remonter un truc pareil ?

RTD : Parlons maintenant un peu plus de toi, tu nous as longtemps teasé du nouveau pour ton matos. On a enfin pu découvrir ta nouvelle batterie : Une Pearl Masterworks entièrement pensée et personnalisée par toi et « la boite noire du musicien ». Pour les passionnés et les batteurs amateurs, peux-tu nous présenter un peu plus en détail ton ensemble ?

J : Eh bien écoute mon cher Lilian, tu viens de tout dire. En effet c’est une batterie que j’ai pensé de A à Z. La grosse particularité, c’est la dimension des fûts. À ce jour il n’existe aucun fût de cette dimension chez Pearl. Les alliances de bois ont été pensé par rapport à la dimension des fûts. C’est une nouvelle aventure avec Pearl. Quand tu joues 10 ans sur du Yamaha haut-de-gamme, tu deviens forcément exigeant. Là, y’a rien à dire tout est top ! Pareil pour les cymbales, c’est une nouvelle collaboration. Je suis maintenant chez Sabian. Là aussi c’est de la bombe atomique ! Par contre, juste un message pour tous les batteurs qui débutent, ce n’est pas la batterie qui fera de vous un bon batteur. Le plus important c’est de travailler chez soi, bosser les rudiments et surtout, aller voir d’autres batteurs jouer en live pour s’en inspirer. Je trouve les discussions de matos entre batteurs ultra ennuyeuses. Au bout d’un moment ça cache quelque chose. Plus tu en parles, moins tu es en fait… C’est comme tout.

RTD : Tu auras donc ce matériel avec Tagada Jones mais tu as d’autres projets à côté, parles nous un peu de FauxX et de ton nouvel acolyte Joaquim Blanchet (Hoa Queen et Buck). Pourquoi avoir choisi ce nom de groupe et comment définirais-tu la musique de ce nouveau groupe ?

J : Fauxx, c’est le projet que j’ai créé avec mon pote Joak. En gros, Fauxx, c’est l’inverse de tout. On a décidé d’explorer d’autres horizons. C’est une musique assez oppressante, certains considèrent ça comme du metal, je n’en sais rien. Mais c’est une musique qui est basée sur les émotions, des émotions sombres. On a décidé de s’appeler Fauxx et de faire une faute en rajoutant un X à la fin. La liberté artistique de ce projet est sans limite ! J’ai créé ce groupe dans une période de doute, j’avais besoin d’avancer sur autre chose, de pousser un peu les murs qui m’entouraient. Notre album sort bientôt, je suis super satisfait du résultat. On voit bien que ce projet intrigue beaucoup de gens, c’est plutôt bon signe.

© Jacques Rolland

RTD : Vous aviez sorti en Juin 2018 un EP 3 titres (« NH3(il)« ), suivi en décembre 2018, du clip de « Requiem » dans lequel on peut voir Klodia Sparkling (Punish Yourself et Le Bal des Enragés). Votre futur album (qui contiendra 7 titres) suivra t’il l’état d’esprit de cet EP ?

J : Klodia, Avec sa grâce et son professionnalisme collaient parfaitement aux personnages qu’on recherchait pour le clip. Et en plus, Klodia, c’est une super copine, je l’adore et j’adore ce qu’elle fait. Il fallait absolument qu’elle fasse partie du concept. Et ce n’est pas fini, elle reviendra sûrement, plus tard…

Le nouvel album de Fauxx marque une avancée, une évolution du style, c’est normal, le groupe grandit. En ce moment on bosse beaucoup le live, on sera prêt quand cette putain de pandémie sera terminée.

RTD : Vous avez notamment enregistré une partie de cet album dans une chapelle. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ce choix ?

J : Pour l’enregistrement d’un de nos titres (où il y aura d’ailleurs Shanka de No one is innocent en featuring dessus), il nous fallait une intro de morceau avec un son de réverbe incroyable. On ne voulait pas un effet audio, on voulait une vraie réverbe. On connaît le propriétaire de la Chapelle-Ivre à Guingamp. C’est une chapelle très très atypique. Il y a une page Facebook, allez voir (la Chapelle-Ivre | Facebook).

RTD : Vous avez notamment eu l’occasion d’effectuer une résidence de 2 semaines en juin dernier à Saint Brieuc (Bonjour Minuit), comment ça s’est passé ? quel était votre programme ?

J : On peut dire que nous sommes en « développement » dans la salle Bonjour Minuit à Saint-Brieuc. C’est un dispositif qui permet l’encadrement et l’aide pour les artistes. C’est un accompagnement artistique. On a eu la chance de faire deux résidences là-bas. Ça nous permet d’avancer dans de bonnes conditions. C’est un projet musical assez exigeant, on avait besoin d’eux pour vraiment bien travailler. On est ravi ! Et ce n’est pas fini.

RTD : Vous en avez donc profité pour tourner un second clip, « Their Garbage in the Heart », titre qui ne figurait pas sur l’EP. Quelle est la signification de ce morceau et quand ce clip sera-t-il disponible ?

J : Pour notre nouveau clip, et bien c’est toi qui vas répondre. Je te donne le lien, à toi de me dire ce que tu en penses, mais ne le diffuse pas (RTD: désolé, il va falloir attendre pour le voir). Ça sortira surement avant la sortie du disque, mais quand ?

RTD : J’ai trouvé que ce clip était vraiment adapté à la musique que nous propose FauxX. Le côté oppressant que peut procurer la musique de ce nouveau projet est parfaitement mis en image par ce clip. FauxX nous montre bien qu’il n’y a pas besoin de 50 000 effets spéciaux pour faire un clip efficace illustrant parfaitement sa musique sans fioriture. Un clip à consommer sans modération.

RTD : Vous auriez dû faire votre première date live à l’occasion de la warm up du Hellfest à Saint Brieuc en avril qui a malheureusement été annulée, puis en première partie de Loudblast à Quimper en Octobre qui a également été annulée. Ce doit être extrêmement frustrant pour vous. D’autant plus que lorsque les salles de spectacles vont rouvrir, tu seras surement très occupé avec Tagada Jones. Cette crise sanitaire aura-t-elle un impact sur FauxX, notamment sur la date de sortie de votre 1er album ?

J : Il y a deux choses dans cette crise sanitaire. Une positive et une très négative. Pour le positif, ça nous a permis de bosser énormément la scène. Faire ces deux résidences a été très bénéfique. Grâce à ça finalement, on sera vraiment prêt quand tout sera fini. On gagne aussi du temps quelque part… Pour le négatif, évidemment il y a eu des plans d’annulés, tout est repoussé. Et puis surtout, à l’heure où je te réponds, on ne sait toujours pas quand on pourra rejouer. Une question se pose pour nous : « est-ce qu’on sort le disque quand même ? ». On prendra notre décision mi-février … Pour le live, évidemment que Tagada reste la priorité. C’est moi qui vais caler les dates pour FauxX, donc je vais gérer tout ça pour que ça se passe bien.

RTD : As-tu une autre petite information croustillante à nous donner avant que cette interview se termine ?

J : Je vais enregistrer le prochain album d’Honesty. C’est du hardcore ultra groovy. On bosse beaucoup, on met la barre assez haut, j’aime ça. Et puis le hardcore, c’est mon premier amour, c’est de là que je viens. D’ailleurs ça se voit dans mon style !

RTD : Merci énormément Job d’avoir accepté de répondre à mes questions pour RiskTheDeath, merci pour ton temps, ta disponibilité et ta gentillesse.

J : En tout cas merci beaucoup de me donner la parole, ce n’est pas souvent. Merci aussi de soutenir Tagada depuis toutes ces années, on t’aime beaucoup. On apprécie ta joie de vivre, ton intelligence et ta simplicité. Même si c’était un peu long, j’ai pris beaucoup de plaisir à répondre à tes questions.

 

RiskTheDeath tient à remercier énormément Job pour le temps qu’il nous a consacré en répondant à toutes nos questions mais également pour toute sa bienveillance. Nous espérons que l’album de FauxX sera bientôt disponible et que vous pourrez prendre plaisir à découvrir le clip de « Their Garbage in the Heart ».

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