Interview: Clément et Christophe de Dust Lovers

Début Juin, le chanteur/guitariste Clément et le batteur Christophe de Dust Lovers, ont répondu à nos questions concernant leur nouvel album « Fangs ». Dans une ambiance cinématographique, le groupe propose un groove moite et chaleureux, un rock velu et rythmé, puisant à la fois dans la lascivité du blues et l’urgence du punk. Cet opus s’article autour du vampire et s’appréhende au fil de la tombée de la nuit : le genre d’album à saigner…

 

RiskTheDeath : Bonjour Dust Lovers, est-ce que vous pouvez commencer par vous présenter ?

Christophe : Christophe, batteur de Dust Lovers

Clément : Clem, chanteur

RTD : Initialement le groupe s’est formé en 2012, sous le nom de The Texas Chainsaw Dust Lovers, puis raccourci en Dust Lovers en 2018 : pourquoi avoir fait le choix de renommer le groupe ?

Clém : Beh, pour ça ! Parce que c’est très difficile à dire (rires). Ouais, on avait toujours des soucis car les gens n’arrivaient pas à retenir le nom complet.

Christophe : Le dire c’est une chose, mais même les gens qui connaissaient vraiment bien le groupe avaient du mal à s’en souvenir, à le dire correctement ; donc, au bout d’un moment, on s’est dit que ce nom à rallonge, ce n’était pas une bonne idée, pas facilement prononçable. Et en plus, il était quand même pas mal connoter, ça coller bien avec la musique qu’on faisait au tout début : ce rock un peu sudiste, redneck, la référence marchait bien avec « Massacre à la Tronçonneuse », mais… plus ça allait, plus ce n’était plus le cas. Donc, c’est tout ce faisceau de raisons qui a fait qu’on a décidé de raccourcir. On aurait pu changer de nom et repartir de zéro, mais on a décidé plutôt de raccourcir.

Clém : Ouais, et puis des fois c’était un peu difficile d’être pris au sérieux ; ça faisait un peu nom « blague ». Donc voilà, « Dust Lovers » c’était plus mystérieux, plus…

Christophe : Il y avait un côté un peu cliché, un peu pastiche dans notre musique au départ ; c’est moins le cas, on peut pas dire que c’est de la musique cérébrale maintenant ; mais c’est un peu plus personnel, donc le côté un peu seconde degré que cela pouvait avoir, colle moins aujourd’hui.

©Elodie Besse

RTD : On vous associe à la scène fuzz : de l’anglais « fuzz » qui signifie « duvet », qui est le nom de la première pédale d’effet de saturation (crée par Grady Martin (en 1961)) qui donne un effet feutré au son des guitares et basses électriques : utilisez-vous cet effet dans votre musique ?

Clém : BEAUCOUP ! On en abuse même parfois !

Christophe : Ouais, y en a partout sur le nouvel album. En fait, c’est marrant parce que dans la scène stoner dans laquelle on a commencé à jouer, c’est comme un gage de qualité. J’ai vraiment du mal à le comprendre et le trouver justifié, tu vois ? Ce n’est pas parce que je mets de la fuzz sur ma guitare qu’elle en vient intéressante, mais… dans l’esprit des gens, c’est le cas. Personnellement, j’adore et effet, mais je pense qu’on l’utilise assez différemment de la façon dont les aficionados du stoner, le perçoivent. Souvent c’est de grosses guitares en power chord avec du tamping de gratte ; nous, au contraire, c’est plutôt des mélodies où on joue sur une corde. L’idée c’est plus qu’on ne se reconnaisse plus trop le son de la guitare. C’est si notre guitare devenait un instrument un peu indéfinissable : ce que c’est un instrument synthétique, ou est-ce que c’est organique, on ne sait pas trop.

Clém : Voilà, on n’utilise pas le fuzz pour la lourdeur des riffs ou des trucs comme ça, c’est vraiment pour… ouais, des fois c’est juste pour faire crier quelque chose. Voilà ce n’est pas forcément pour apporter du poids, c’est plus apporter de la texture : un peu comme, comme le fuzz était utiliser dans les années 60, c’est vraiment pour faire des espèces de petites mélodies saturées. Comme dans The Yardbirds, tu as pleins de morceaux qui utilisent vraiment le fuzz, au contre poing de comment il est utiliser maintenant dans la scène fuzz, tout simplement.

RTD : Bon tu as un tout petit peu anticipé ma prochaine question, mais bon. Le fuzz est utilisé à la fin des années 60 aux États-Unis et au Royaume-Uni par de nombreux guitaristes, et notamment Jimi Hendrix et David Gilmour : ces guitaristes sont-ils des modèles d’inspiration ou des influences ?

Clém : Peut être pour Nagui, notre guitariste soliste qui n’est pas présent aujourd’hui, parce qu’il est à Nantes et nous à Paris. David Gilmour, disons que moi pas vraiment… enfin pas plus qu’un autre. Évidemment que Jimi Hendrix et Pink Floyd, bien sûr… mais pas plus qu’un autre. Moi, je pense que nos influences sont un peu plus récentes (au niveau influences guitaristiques).

Christophe : Ah ouais, sans doute, ouais ! On n’est très… alors Nagui, c’est différent parce que lui, il est guitariste ; mais on n’est pas, enfin Clém joue de la guitare mais ce n’est pas un guitariste lead, on va dire… On n’est très musique à guitares, guitar hero…

Clém : Le classique rock, de façon générale.

Christophe : … toutes les références obligatoires d’un guitariste, c’est même plutôt des trucs qu’on évite, on peut par dire qu’on les fuit, mais c’est clairement pas quelque chose qui est un critère pour nous. C’est-à-dire que là, dans l’album, je crois qu’il y a deux ou trois solos : on en met un, genre parce que c’est vraiment le moment d’en mettre un, c’est que ça a une utilité ou que ça raconte quelque chose. Mais le solo, pour montrer de la technique, ce n’est vraiment pas quelque chose qui nous intéresse.

RTD : Tout au long de vos albums, on remarque qu’ils ont tous une thématique commune qui tourne autour de la nuit et des créatures fantastiques ; cette fois-ci, votre nouvel album semble parler des vampires : en effet, puisqu’il se nomme « Fangs » qui signifie « crocs » et que l’artwork est assez évocateur : est-ce le cas ?

Clém : Tout à fait ! Il y a un fil rouge, qui est la nuit et les créatures nocturnes ; pas forcément les créatures fantastiques. Mais au fur et à mesure de l’enregistrement de l’album et des morceaux, beh on a commencé à voir ressortir ces thèmes, encore une fois. On avait déjà l’idée de faire le clip de « Goldie », un des derniers morceaux de l’album (qui va sortir dans quelques jours), et on avait envie de faire une sorte de film de vampires : un film d’horreur classique, en noir et blanc. Le thème de l’album autour du vampire s’est dessiné à ce moment là, ça ne s’est pas vraiment réfléchi, mais c’est venu un peu naturellement…

RTD : D’ailleurs, l’artwork a été fait par toi, Clément.

Clém : Tout à fait ! Je me suis toujours un peu occupé, à part quelques petits trucs, de la partie visuelle du groupe. Souvent parce qu’il fallait sortir quelque chose rapidement et qu’on n’avait pas le temps de collaborer avec quelqu’un ; ça s’est un peu fait comme ça, au début.

Christophe : Quand on peut le faire nous même et qu’on n’a pas besoin de payer, et beh on le fait nous même. Déjà que tout nous coûte très cher, on est obligé d’en faire une partie nous-mêmes sinon, en s’en sort pas.

Clém : Pour l’artwork, je ne sais pas, j’avais cette idée de… cette image en tête d’une sorte de prothèse dentaire de vampire dans un décor un peu Rococo. Alors la photo, ce n’est pas un montage photo, c’est une seule photo avec un temps de pause de plus de 30 secondes ; que j’ai fait avec ma chérie, qui est photographe. Et la photo a été prise dans l’Opéra de Nantes : le Théâtre Graslin. Qui nous a pas mal donné de coups de main entre la pochette de l’album et qui nous a prêté des costumes pour le clip. On ne les connaissait pas vraiment à la base, mais ils aident vachement les associations et les groupes nantais ; ils sont même obligés d’aider un quota d’associations pendant l’année. Donc on a pu en profiter et c’est un très bel endroit.

RTD : Contrairement aux prédécesseurs, la moitié des morceaux a été composée au piano : est-ce qu’on peut dire dans ce cas là, que les guitares ont plus ou moins un rôle secondaire ?

Christophe : De fait, beh, non. Tout dépend, comment on envisage la guitare : si on pense que un morceau dans lequel il n’y a pas un riff de guitare, c’est un morceau où la guitare est pas importante ; et beh on peut dire que la guitare a un rôle secondaire. Pour moi, tout l’arrangement, c’est un tout en fait ; si on enlève un élément, n’y a pas la même saveur. Je ne dirai pas que la guitare a un rôle secondaire, elle était indispensable et c’est toujours de la musique rock et électrique. Maintenant ouais, c’est pas nécessairement des moreaux dans lesquels, il y a des riffs. Les mélodies que l’on va chanter, ne sont pas nécessairement des riffs. Ça devient plus des chansons, quoi ! C’est plutôt la voix et la mélodie qui va primer ; pour autant la guitare, à mon sens, elle est indispensable et elle a un rôle prépondérant.

Clém : Mais c’est vrai que tous les albums d’avant, ont été plus composé à la guitare. Donc fatalement il y avait plus de riffs et de trucs qui ramènent au rock pur et dur. Mais ouais, la plupart des morceaux ont été composé au clavier. On est plus parti sur un principe de chansons, c’est-à-dire que si on enlève tout, s’il reste une mélodie de chant et des accords à plaquer sur un piano soit sur une guitare ; et la chanson peut marcher, elle tient encore debout, quoi ! C’est plus comme ça, qu’on a imaginé l’album.

RTD : De plus, chacun de vos albums retranscrivent une certaine ambiance cinématographique (qui passe de Quentin Tarantino à Sergio Leone) : en tant que cinéphiles, est-ce que vous vous êtes inspirés du film « Dracula » de Francis Ford Coppola ou d’une autre référence du vampire dans le cinéma, pour composer ce nouvel album ?

Clém : Pour composer, non ; mais pour « Dracula » de Coppola, c’est un peu un de mes films de chevet. C’est pour moi, un peu un film de vampire définitif.

Christophe : LE film !

Clém : Il reprend à la fois, la narration moderne et en même temps, les classiques à la « Nosferatu » (de Friedrich Wilhelm Murnau). Pour moi, c’est le même film ; c’est un tout. Le film de Coppola, c’est vraiment un truc qui m’inspire de base ; donc pas particulièrement pour composer cet album, là, mais… Oui, d’une manière esthétique, c’est un film qui m’a beaucoup influencé dans ma vie.

Christophe : Donc, ça fait parti de ta culture et de ta personnalité ? Même inconsciemment…

Clém : Absolument !

RTD : De ce fait, l’album s’appréhende-t-il comme un film évoluant au fil de la tombée de la nuit : avec une présentation du personnage principal et du décor, puis les péripéties du personnage, et enfin le dénouement ?

Clém : Ouais beh en fait, tout le côté cinématographie ou narratif d’un album, on ne le calcule pas au moment de faire les morceaux. C’est plus de les arranger entre eux, au moment de la tracklist de l’album : à quel moment, on va présenter tel morceau dans l’album et on envisage toujours un album comme un tout ; et pas comme les single au début, et les Face B (peut être les morceaux les moins important) ensuite. On essaie vraiment de…

Christophe : Pour la bonne et simple raison, que chaque morceau de nos albums sont exceptionnels, ils méritent… (rires)

Clém : Tu sens les chevilles qui gonflent.

Christophe : On aime bien en garder sous le pied, généralement pour la fin ! On le fait aussi pendant nos concerts, on aime bien avoir une phase où on rentre dedans, assez franchement dès le début avec une intro ; mais en garder sous le pied à la fin, pour vraiment arriver à une apothéose. En fait, cet album là quand on a commencé à évoquer le live, qui un jour ou l’autre va reprendre et redeviendra réalité, on se voit bien jouer l’album en entier, en intégralité. Rajouter probablement d’autres morceaux après, mais disons que l’album, se jouerait bien comme ça en live… ça correspond bien à notre perception du live.

RTD : Dans cette optique, le dernier titre de l’album qui est un morceau instrumental, où on assiste à la mort du vampire : peut-on le considérer comme un générique de fin ?

Clém : Tout à fait ! C’est… ce morceau là, j’ai un peu insisté pour le rajouter, c’était pas prévu à la base. C’est un morceau que j’ai fait tout seul, chez moi avec mes synthés et mes claviers ; qui a été un peu arrangé par Christophe, qui a enregistré et mixé tout l’album. J’aime bien l’idée de ne pas quitter l’album, comme on ne quitte pas un film ; comme ça pouf, c’est fini, on sort de la salle… Moi, je suis le genre de personne qui reste dans la salle jusqu’à la fin du générique.

Christophe : Comme un sas de décompression.

Clém : Ouais, voilà. J’aime bien l’idée d’avoir un untro d’album. On n’avait pas fait ça sur notre album « Me and the Devil », et je trouvais que ça se finissait un peu… comme ça. Et là, on essaie de, c’est une manière de ressortir en douceur de ce qu’on vient d’entendre.

RTD : Et donc dernière questions, certains de vos morceaux sont utilisés comme BO dans des séries françaises, et notamment la série « Marianne » sur Netflix ; de quoi parle cette série ?

Clém : Alors, c’est une série d’horreur qui a été réalisé par Samuel Bodin, qui est un réalisateur qui donne pas mal d’espoir au cinéma de genre ou cinéma d’horreur français. D’ailleurs, il va réaliser un film aux États-Unis. C’est quelqu’un que moi, j’ai rencontré dans le milieu des bars parisiens.

Christophe : (rires)

Clém : Ouais, on fait beaucoup de rencontres dans les bars. En fait, on l’a vu quelques fois à nos concerts, c’est quelqu’un qui apprécie notre musique et ça fait plaisir quand il nous demandé si on été d’accord pour qu’il utilise nos morceaux dans sa série « Marianne ». Évidemment, on a dit oui ! Ce n’est pas tous les jours qu’une opportunité comme celle là se présente. Et il nous a dit, « ça me fais plaisir que vous acceptiez, parce que j’ai écris en partie la série en écoutant vos albums ». Donc, ça faisait quand même super plaisir, pour nous qui la musique et le cinéma sont vachement liés, d’avoir des réalisateurs qui choisissent notre musique ; parce que ce n’est pas le seul, il y a aussi un long métrage qui va sortir avec l’un de nos morceaux, et une autre série de Samuel Bodin. Il y a eu donc plusieurs synchro comme ça, et de voir que les réalisateurs veulent choisir nos morceaux, c’est un peu comme la boucle qui se boucle : donc, ça nous fait beaucoup plaisir !

RTD : Et puis, finalement « Marianne » colle bien à votre univers ?

Clém : Ouais ; même si ce n’est pas le genre de film d’horreur que je vais regarder. Mais on assume beaucoup.

Christophe : La musique est super bien exploitée, en fait ; ça personnifie l’héroïne Emma : je trouve que ça lui donne pas mal de caractère et notre musique est vachement bien mise en valeur. Y a un côté assez théâtral, à la Tarantino, ça marche vachement bien et pour ça, on est vachement reconnaissants ; parce qu’il a vraiment super bien exploité.

Clém : Ce qui est trop cool, c’est aussi que la série, a cartonné en Amérique du Sud mais pas trop en France. Les français n’étaient pas très fan, mais en Amérique du Sud ça a bien marché et ce qui fait que maintenant, on a eu une espèce de vague de fans du Brésil, du Mexique, qui nous ont envoyé des messages pour leur traduise les paroles en espagnol ; c’est assez dingue… si on regarde nos statistiques Spotify, on est vachement plus écouté au Mexique et au Brésil mais loin devant, qu’en France.

Christophe : Les français qui n’ont pas aimé la série ; même si elle a été relativement apprécié mais, elle s’est pas mal fait bâchée aussi. Beh qu’ils sachent qu’ils sont en train de préparer un film pour Hollywood et que finalement, leur avis, on s’en branle un peu. (rires)

RTD : (rires) Beh, je vous remercie pour cette interview ! Et puis, j’espère vous voir un jour sur scène.

Christophe : Merci beaucoup !

Clém : Merci à toi ! Nous aussi figures-toi, on a hâte que tout cela se termine et qu’on puisse reprendre les affaires.

 

En remerciant, Romain de l’Agence Singularités pour l’opportunité de cette interview; Dust Lovers et particulièrement Clément et Christophe pour leurs réponses…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *