Retour sur l’entretien, du 24 Février dernier, avec Julien Bernard, le chanteur et bassiste de 7Weeks, qui a gentiment pris le temps de répond aux questions du webzine. Une interview dans le cadre de la sortie très attendue de leur 5ème album, nommé « Sisyphus » sorti le 31 Janvier dernier…
RiskTheDeath : Au même titre que le bison de l’artwork de votre nouvel album, vous avez failli « disparaître ». Autrement dit, vous avez dû faire face à des soucis inhérents aux groupes, et notamment un line-up fluctuant et un changement de label : comment avez-vous réussi à rebondir ? Cette épreuve a-t-elle changé votre vision de l’avenir ? Votre façon de composer ?
Julien : Oui, du moins ça nous a permis de comprendre que ces « épreuves » étaient ce qui nourrissait notre écriture, que la création est plus importante que l’œuvre. Quand on a accepté ça, on a trouvé les moyens de remonter la pente, car on a de la ressource. Concernant l’avenir, pareil que pour la condition d’artistes ou de « créateurs », on voit les choses comme Camus en parle dans « Le Mythe de Sisyphe », on accepte le fait qu’il puisse y avoir des limites, cela ne veut pas dire que l’on s’en pose.
RiskTheDeath : Il y a pas si longtemps, vous avez recruté deux nouvelles personnes qui complètent le line-up ; dont le guitariste Fred Mariolle qui fait parti du Collectif 13 : apporte-t-il un peu de métissage à ce que vous faisiez déjà ?
Julien : En fait PH (claviers/guitare) est avec nous depuis 2016, donc il n’est pas vraiment nouveau. Pour Fred, cela fait maintenant 1 an qu’il est avec nous, car il est arrivé sur la fin du processus d’écriture de « Sisyphus », début 2019. Nous ne l’avons pas intégré pour ce qu’il joue avec Collectif 13, on le connaît depuis longtemps comme un guitariste de rock (il a joué dans Treponem Pal et No One is Innocent) ; il a apporté des textures et un son de guitare bien particulier, plus rock, moins lourd que ce que j’aurais pu faire si j’avais enregistré en studio comme sur « A Farewell to Dawn », ça convenait mieux aux morceaux.
RTD : Votre nouvel album intitulé « Sisyphus » (sorti le 31 Janvier dernier) fait comme écho à Sisyphe, personnage de la mythologie grecque qui après avoir défié les Dieux se retrouve condamné à faire rouler un rocher au sommet d’une colline, mais qui éternellement redescend : les mythes et la mythologie en générale, sont-ils une source d’inspiration pour le groupe ?
J : Non pas vraiment, mais cette image est tellement forte qu’elle nous parlait. On fait ce groupe depuis pas mal de temps et on le fait en auto-production. On « porte » le projet et ce quoi qu’il se passe, que ce soit gratifiant comme contraignant. Quand on a décidé de relancer la machine après avoir failli arrêter en 2018, cette image de Sisyphe poussant son roc nous a plu et la vision plus philosophique de Camus du même mythe nous a aidé et accompagné si on peut dire.
RTD : Votre album précédent « A Farewell To Dawn » sorti en 2016, a été composé par Jérémy et toi, seuls : est-ce la même chose, pour ce nouvel album ?
J : Non, on était avec PH à 3 pendant cette année 2018 où on s’est posé beaucoup de questions sur l’avenir du groupe ; puis on a recommencé à composer, et petit à petit ça a pris forme jusqu’à ce que Fred intègre le groupe sur la fin du processus et nous permette d’aller enregistrer live, ce que l’album demandait et que l’on ne peut pas faire à 2 comme sur « A Farewell [to Dawn] ».
RTD : Vous avez travaillé avec Francis Caste dans le passé, qui est considéré comme un producteur incontournable en matière de hard rock en France, puisqu’il a notamment collaboré avec Hangman’s Chair ou Bukowski : pourquoi ne pas avoir continué l’aventure avec lui, avec ce nouvel opus ?
J : On voulait le refaire au départ, mais les emplois du temps ne coïncidaient pas et plus on avançait dans l’écriture, plus il nous semblait important d’enregistrer live tous ensemble. On a donc opté pour Pascal Mondaz que l’on connaît bien (il a mixé « Carnivora » et produit « Bends »), et il nous a indiqué un studio qui permettait d’enregistrer le groupe en live. On est très content du son, Pascal a très bien bossé ; il est parti dans une optique plus rock que ce que Francis [Caste] aurait pu faire et cela convenait très bien aux morceaux de « Sisyphus ».
RTD : Sur votre précédent album, la pochette représentait un cerf ; et sur ce nouvel album figure un bison : est-ce un hasard, ou est-ce que vous êtes attachés à la Nature ?
J : Nous ne décidons pas des éléments des visuels, nous le confions à des personnes extérieures, mais il faut croire que c’est ce que notre musique inspire. Je pense que le côté brut de notre musique appelle cela. Nous ne faisons pas quelque chose de très hype, donc je nous vois mal avec un visuel très moderne, très urbain. Nous l’avons fait sur « Bends » (EP de 2014), mais au final c’est celui que je trouve le plus impersonnel.
RTH : Finalement cet artwork paraît très sombre ; est-ce la même chose dans les thèmes abordés, tout au long de l’opus ?
J : Nos textes n’ont jamais été très fun : ça c’est sûr. Mais il y a dans cet album beaucoup de paroles et de thèmes qui parlent d’aller de l’avant, je n’aime pas parler de résilience pour « Sisyphus », mais la prise de conscience que l’on a eue et qui guide cet album peut-être considérée comme une sorte de renouveau. Donc non, ce n’est pas si sombre. Il y a une phrase de Camus qui dit qu’ « être « sans espoir » n’est pas être « désespéré » ». Ça me va !
RTH : Certains artistes choisissent méticuleusement l’ordre des morceaux dans leurs albums : est-ce que c’est le cas de 7 Weeks; et notamment dans cet album ?
J : Oui complètement, le tracklisting est une chose sur laquelle nous passons énormément de temps, nous avons cette culture de « l’album ». Si bien que nous avons enlevé un titre qui était masterisé au dernier moment, juste parce que l’album nous semblait équilibré avec ces 9 titres là. La manière d’écouter la musique aujourd’hui, éclate les tracklisting avec les playlists, l’écoute compulsive et désordonnée en streaming. C’est aussi pourquoi nous optons pour des albums courts en espérant qu’ils aient plus de chance d’être écouté dans leur intégralité.
RTH : Sur « A Farewell To Dawn », les claviers ont été confiés à Shanka (François Maigret), et notamment sur la chanson « January » : a-t-il collaborer avec vous sur ce nouvel album, malgré le recrutement de PH Marin, votre nouveau claviériste-guitariste ?
J : Non comme je l’ai dit, PH est là depuis 4 ans, il n’y avait pas de raison de confier les claviers à quelqu’un d’autre. Il a beaucoup travaillé sur l’album et a amené beaucoup d’idées. Le clavier a trouvé une place pour importante avec cet album.
RTD : Le titre de la chanson « Idols » est assez explicite : mais peux-tu nous en dire un peu plus ; et notamment nous donner le nom de tes idoles.
J : Je ne serai pas très original là-dessus, mais bien sur que Lemmy, Chris Cornell, David Bowie sont mes idoles parties. Je parle surtout des 2 premiers dans ce morceau et de la manière dont les gens en ont parlé sur les réseaux sociaux : du manque de pudeur auquel on assiste dans ces moments là. Je préfère garder un souvenir éclatant des ces gens là, que les cancans sur le net une fois qu’ils sont morts.
RTD : La chanson « Solar Ride » a un petit côté Queen of the Stone Age ; ce groupe est-il une influence pour vous ?
J : Oui, ça a été un des groupes qui ont motivé la création de 7Weeks. Au début du groupe on s’en inspiré beaucoup. Maintenant j’aime penser quand même qu’on a notre propre style. Malheureusement les étiquettes te collent longtemps à la peau (rires). En tant que compositeur du groupe, j’adore doser mes références et jouer avec, et s’il y a en a une que je reconnais sur « Solar Ride » ce n’est pas QOTSA mais Supergrass. Alors maintenant chacun y entend ce qu’il veut (rires) !
RTD : Le morceau éponyme « Sisyphus » est l’un des deux titres qui possède son clip. Celui-ci est tourné d’une façon assez originale, je trouve ; j’ai eu l’impression que la caméra qui vous filmait été comme un spectre qui baladait dans cette bâtisse : qu’avez-vous voulu mettre en avant dans cette vidéo ? Quelle est la prochaine chanson à avoir son clip ?
J : C’est exactement cela ! William Windrestin qui nous connaît bien, a voulu montrer 7 Weeks et ses fantômes : les errances, la volonté, l’introspection… Le lieu s’y prêtait à merveille. On l’aime beaucoup. On ne sait pas encore quel sera le prochain clip, mais on aimerait en faire un sur « Gone » et sur « Idols ».
RTD : Comme le personnage (a)typique du morceau « Magnificent Loser », qui vit sa passion par procuration, comme une sorte de rêve américain : quel ton plus grand rêve?
J : Je n’ai pas de plus grand rêve. Je vis au jour le jour. Le magnificent loser peut par extension être moi, à une certaine époque ; ça peut aussi être le groupe. Il y a une forme de nostalgie dans ce titre, mais ce qui est décrit est révolu. On avance, on a des objectifs mais pas de rêves.
RTD : « 667 Off » évoque l’ensemble de l’histoire de 7Weeks : que représente cette chanson à tes yeux et à ceux du reste du groupe ? En es-tu fier ?
J : À mes yeux cela représente une rétrospective du groupe et l’occasion de régler mes comptes avec certaines parts sombres du groupe. Au-delà de ça, et c’est le plus important, c’est un putain de challenge en tant que musicien à interpréter, c’est très dur à jouer dans son intégralité et ça c’est ultra motivant.
RTD : Le 20 Mars prochain, vous êtes programmés à Limoges aux côtés de Lofofora pour un concert « à domicile » : comment appréhendez-vous cette prestation ? Êtes-vous plutôt angoissés ou pressés ?
J : Lofo sont des amis, nous sommes donc très content de rejouer avec eux, on ne l’a pas fait depuis 2014 ; et ça nous manquait, à eux comme à nous, ça va être super…
RTD : En te remerciant pour tes réponses ; bonne continuation dans les projets futurs de 7Weeks…
J : Merci à toi.
En remerciant, l’Agence Singularités pour l’opportunité de cette interview ; le label F2M Planet ; Julien pour sa disponibilité et les réponses apportées aux questions du webzine ; ainsi qu’au groupe 7Weeks…