Interview: Révérend Drope de Druids of the Gué Charette

Le 27 Mai dernier, le Révérend Drope (chant) de Druids of the Gué Charette a répondu à nos questions concernant l’univers du groupe ainsi que la sortie de leur nouvel album « Talking to the Moon » sorti le 15 Juin dernier. Prenez garde lors de votre prochaine sortie en forêt, les druides sont jamais loin; et ils sont là pour nous le rappeler…

 

RiskTheDeath: Vous tirez votre nom d’un clin d’œil à l’étang où allaient pêcher les enfants du village: mais est-ce vous pouvez nous expliquer un peu plus cette référence/le choix de ce nom de groupe?

Révérend Drope: C’est au terme d’une nuit particulièrement alcoolisée que notre Druide Suprême décida de faire du Gué Charette l’origine symbolique et géographique de notre culte en devenir. C’est le genre d’endroits un peu secret, connu des seuls initiés, a tel point que ce point d’eau n’avait même pas d’existence légal jusqu’à l’an dernier. Cette dimension bucolique et sauvage, mystérieuse et ultra-localisée, collait parfaitement a ce que nous souhaitions faire, dans un esprit à la fois sincère et décalé.

RTD: Votre garage rock emprunte des sonorités très post-punk, stoner, psychédélique ou encore shoegaze allant de Joy Division ou The Stooges à Black Sabbath: ces groupes sont-ils des influences pour vous?

Révérend Drope: Évidemment, ce sont même des références incontournables qui ne nous ont pas simplement influencés directement, mais dont l’œuvre a infusé très largement dans pléthore d’autres groupes qui nous influencent eux-aussi, à leur tour. Les Stooges ont fait franchir au rock’n’roll une étape cruciale dans la brutalité et la sauvagerie, Black Sabbath a apporté une forme de lourdeur et de puissance totalement inédite, et Joy Division une nouvelle approche glaciale et oppressante. Il existe comme cela quelques dizaines de groupes ayant eux-aussi incarné tout un pan du rock a eux tout seul (Velvet Underground, Pink Floyd, Sex Pistols, etc…) mais les bandes de Ian Curtis, Ozzy et Iggy sont certainement celles qui synthétisent le mieux les liens secrets qui unissent toutes les musiques que nous aimons.

RTD: Des origines bretonnes du groupe: est-ce qu’on peut dire que vous prônez la culture celtique mais, également le druidisme? D’autant plus que César pensait qu’il [le druidisme] est à l’origine de l’île de Bretagne.

D: Ce serait difficile de dire que nous prônons la culture celtique, nous baignons simplement dedans et elle imprègne notre manière de percevoir le monde ainsi que notre imaginaire. Au sein de cette culture, évidemment, nous nous inspirons profondément de la figure druidique, et de celle du barde. Nous ne sommes pas membres du Gorsedd de Bretagne ou d’une quelconque organisation officielle. Avec le culte du Gué Charette, nous souhaitions créer notre propre approche, et intégrer une part de mysticisme et de spiritualité dans notre musique, avec cette idée que la musique est une transe et qu’elle peut influencer notre niveau de perception de la réalité. Évidemment, par la proximité culturelle et par un certains nombre de valeurs concernant la conception du monde et du divin, ainsi que par le respect d’une certaine forme de mystère, nous nous identifions plus naturellement au druidisme qu’aux religions monothéistes ou même aux différentes formes de chamanisme de l’autre bout du monde.

©Richard Bellia

RTD: L’artwork de votre nouvel album nommé « Talking to the Moon » a été réalisé par Tom Bornarel, et met en avant un homme à crâne de cerf; mais mon regard se pose plutôt sur les phases lunaires: le nom de cet opus et ces Lunes rouges, ont-ils un rapport aux offrandes et aux sacrifices pratiqués par les druides?

D: Évidemment, il y a dans le choix des motifs et des couleurs une forme de violence qui est suggérée et qui trouve parfaitement son écho, notamment, dans les rituels sacrificiels. Mais ce visuel tente de suggérer quelque chose de plus large encore, celui d’un cycle eternel de la vie et de la mort, avec ce cycle lunaire complet, cet homme qui arbore un symbole morbide, et ce rouge sang. La pochette a été pensée spécifiquement pour le vinyle, les lunes y seront découpées dans le carton et leur couleur ne sera donné que par celle de la sous-pochette. Ce procédé nous permet de brouiller un peu les pistes, de jouer avec la perception de l’auditeur, et de suggérer qu’au-delà de notre perception première, il y a toujours une autre forme de vérité qui ne nous est pas forcément intelligible. C’est en cela que le druidisme et psychédélisme se rejoignent assez naturellement.

RTD: On décrit vos morceaux comme des histoires que les anciens s’échangent à voix basse: mais quels sont les histoires/thèmes abordés dans ce nouvel album?

D: Ce nouvel album parle énormément de notre difficulté accepter de n’avoir aucune maîtrise sur notre vie et de n’avoir qu’une compréhension partielle et imparfaite de l’existence. Et ces histoires prennent parfois la forme de contes ou de métaphores sur les forces cachées de la nuit et de la nature; sur les fantômes solitaires, les anciens dieux ou les inconnus qui errent sur le bord du chemin…

RTD: Sur scène, vous êtes vêtus de robes de bures; le vêtement rituélique du druide: est-ce qu’on peut dire que vos concerts sont comme des messes obscures? Peut-on s’attendre à des mises en scène; de l’encens, des danses par exemple?

D: Nos représentations scéniques sont effectivement totalement pensées comme des espèces de messes noires, nous cherchons à faire rentrer le spectateur dans une sorte de rituel hors du temps pour partager avec lui une forme de transe. Nous essayons en effet d’incorporer dans notre live une approche qui fait la part belle aux lumières, aux ombres et à la fumée ainsi qu’aux accessoires. C’est un équilibre sans cesse perfectible pour essayer d’embarquer les gens dans notre dimension, mais sans vouloir tomber dans un show son et lumière over-the-top qui risquerait de faire passer la musique au second plan. C’est pourquoi nous tentons de conserver malgré tout un maximum de sobriété et de spontanéité.

RTD: Votre release party initialement prévue début Avril a été reportée au 15 Juin; compte contenu de la situation actuelle, est-elle maintenue? L’album sortira-t-il quand même à cette date?

D: Notre receuil d’incantations sera bel et bien publié le 15 juin, et sera dans la foulée disponible sur les plate-formes de streaming et les disquaires. Par contre, compte tenu des conditions sanitaires actuelles, nous proposerons vraisemblablement une release-party virtuelle, diffusée sur les réseaux sociaux. Toutes nos dates estivales étant annulées, nous ne pourrons probablement défendre notre album sur scène qu’à partir du mois d’Octobre, et nous commençons d’ors et déjà a booker nos prochaines dates dans ce sens.

RTD: Vous étiez programmés au Hellfest; malheureusement la 15ème édition du festival est annulée: votre participation est-elle reportée à 2021?

D: Les conditions d’organisation du Hellfest 2021 sont encore un peu floues, mais la plupart des festivals auxquels nous devions participer semblent effectivement s’orienter vers une reprogrammation des groupes annulés. Le Motocultor de St-Nolff par exemple a d’ors et déjà acté que nous serions à nouveau présents sur l’affiche de l’an prochain.

En remerciant, Romain de l’Agence Singularités pour l’opportunité de cette interview; Druids of the Gué Charette et précisément Révérend Drope pour ses réponses…

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