Interview: Ludovic de United Guitars

Ludovic Egraz, concepteur du projet United Guitar, nous parle ici des différentes étapes du projet, qui met en valeur les guitares: de l’idée, en passant par la réalisation avec son financement, mais surtout du deuxième volet qui sort très bientôt…

 

RiskTheDeath : Est-ce que tu peux commencer par te présenter et expliquer l’idée ainsi que le but du projet United Guitars ?

Ludovic : L’idée de United United, c’est de célébrer la guitare électrique, et le dénominateur commun entre tous les gens qui s’impliquent dans ce projet, c’est cette passion, cette obsession. Le but, est de mettre en avant le talent de guitaristes français (musicien de scène ou de studio, pédagogues, démonstrateurs, YouTubeurs, membres groupes) qui n’ont que très rarement, voire jamais l’occasion de briller en jouant leur propre musique. C’est aussi un désir de redorer le blason de la guitare qui est aujourd’hui complètement absente des gros médias. Les nouvelles générations consomment de la musique qui est la plupart du temps créée sans instruments (EDM, hip-hop). Il y a encore une quinzaine d’année, les lycéens voulaient tous apprendre la guitare et jouer du rock. Il faut tout faire que cela revienne.

RTD : Une nouvelle fois le projet est financé par un KissKissBankBank ; dont l’une des contributions était la possibilité d’enregistrer son propre solo pour l’une des chanson de ce vol.2 : comment s’est passée l’expérience pour la personne qui a eu la chance de passer en studio ? Quelle est la chanson en question ?

L : Pour être tout à fait juste, il y a trois axes de financement pour United Guitars : nos fonds propres, des subventions et la campagne KissKissBankBank. Pour répondre à ta question, Jean-Michel Lioret, le Kiss Kiss Bankers qui est venu au studio a vécu un rêve éveillé. Il s’agit d’un entrepreneur qui a voué sa vie à son entreprise en mettant de côté sa passion viscérale pour la musique. Il n’avait jamais mis les pieds dans un vrai studio, et pour lui, enregistrer son solo avec l’assistance de Fred Chapellier et Fabrice Dutour a été un grand moment. Franchement, il a assuré, et son solo est excellent et tout à fait dans l’esprit du morceau, qui s’intitule « Thick As Thieves ». Pour l’anecdote, le Kiss Kiss Banker de l’année dernière, Xavier Lacombrade, un pharmacien de la région de Toulouse, est revenu jouer cette année. Son solo apparaît sur « The Ride of Wisdom ». Le fait de traîner avec nous et de jouer sur scène lors United Guitars Fest en février lui a permis de beaucoup progresser.

RTD : Lors du premier album en 2019, on comptait déjà 23 guitaristes ; mais cette année, on arrive à 30 guitaristes dont 14 nouveaux : pourquoi faire un projet avec autant de guitaristes ? Comment sont « sélectionnés » ces artistes ?

L: Je crois que cette orgie de talent et de créativité est justement ce qui fait de United Guitars un projet totalement unique et même inédit. Aux USA, dans les années 80 et 90, il y avait eu des compilations éditées par Schrapnel Records ou des magazines tels que Guitar World, mais souvent, il s’agissait d’une collection de titres enregistrés à des endroits différents. Idem pour « Guitares Attitude », les compilations de guitare initiées par Thibault Abrial il y a une vingtaine d’année (en 1995 je pense). Dans le cas de United Guitars, c’est comme un groupe monstrueux de 34 personnes (en incluant les batteurs et bassistes) qui se retrouverait dans un studio pour jouer et travailler ensemble. Le fait de se rencontrer, de respirer le même air, de manger la même nourriture contribue également à forger un esprit familial dont l’impact sur le résultat final est très important. Rien à voir avec les collabs réalisées sur YouTube, même si certaines sont intéressantes.

RTD : Est-ce que des guitaristes comme Christophe Godin ou Patrick Rondat, sont des guitaristes qui collent à l’image de ce que vous voulez pour le projet ?

L : Oui, complètement. Christophe et Patrick sont nos grands frères. A une époque où rien existait, ils ont défriché beaucoup de terrain pour faire exister la musique instrumentale en France, ce qui a représenté une somme de travail considérable, et probablement pas mal de frustration à certains moments. Plus que des guitaristes, ce sont de grands artistes avec des univers propres, et ils rayonnent même à l’international. J’ai discuté longuement avec Christophe lors du dernier concert de Mörglbl Trio au Triton, juste avant le premier confinement. Il développe un nouveau groupe The Prize, avec une super chanteuse, Maggy Luyten. Après avoir tant donné à la musique instrumentale, il souhaite s’en éloigner un temps, ce que je peux parfaitement comprendre. Je serais honoré qu’il soit sur l’un de nos albums dans le futur. Quant à Patrick, il n’a pas souhaité se joindre au projet pour l’instant. Sa personnalité est complexe, et il y a toujours une certaine pudeur dans sa façon d’envisager la musique. Mais il nous soutient à sa façon, puisqu’il a écrit la préface du livre United Guitars qui sortira prochainement, avec beaucoup de photos des sessions, et des histoires sur chacun des morceaux.

RTD : Les musiciens de ce projet proviennent tous d’horizons musicaux différents, de milieux différents (certains nés de la scène et d’autres émanant d’internet) ou d’âges différents : est-ce que le but était de montrer que le guitariste n’a pas de profil type ?

L : Les très bons guitaristes sont comme les cuisiniers. Ils travaillent à partir des mêmes ingrédients et élaborent leurs propres recettes au-delà des vieux grimoires. Pour moi, c’est le plus important, peu importe qu’ils aient 16 ans comme Manou Rao ou 54 ans comme Fred Chapellier, qu’ils aient appris à jouer de la guitare sur internet ou dans une grande école de musique. C’est le résultat qui compte.

RTD : Parmi ces nouveaux musiciens, on retrouve Nina Attal qui est la 1ère femme guitariste dans le projet : penses-tu que les femmes ont une approche différente de l’instrument (en apportant plus de sensibilité, par exemple) ou est-ce qu’elles sont complètement identiques que leurs compères ?

L : La sensibilité des femmes est de toute façon différente. Quel que soit le domaine, comme les hommes, elles peuvent aimer les challenges, mais leur maturité supérieure situe toujours le débat au-delà du concours de quéquettes et des histoires d’ego. Nina n’a rien à prouver et elle joue comme elle est, avec beaucoup de talent et de sincérité. Pour être tout à fait honnête, il y a depuis une dizaine d’année un phénomène de « sexualisation » dans le monde de la guitare qui est assez déconcertant, notamment sur les réseaux sociaux, et ce pas toujours au service de la qualité musicale, ni des filles elles-mêmes d’ailleurs. Beaucoup de musiciennes moyennes avec une plastique avantageuse parviennent à faire des millions de vues et à obtenir des contrats d’endorsement, tandis que d’autres, super douées mais moins jolies n’arrivent pas à décoller. C’est super dommage, et pour moi, le sexe et le physique d’un musicien ne rentrent pas dans l’équation. C’est le talent qui m’intéresse, et je suis le premier à être heureux le monde de la guitare devienne de moins en moins machiste. Cependant, je refuse de tomber dans ce travers très en vogue actuellement de la « discrimination positive ». Il y a des filles très talentueuses en France, comme Victoire Buffet, Laura Cox ou encore Anouck André, et nous suivons leurs parcours avec beaucoup d’intérêt.

RTD : On retrouve également une multitude de styles de musique qui passent du rock au hard rock en passant par le metal, le blues, le prog, la fusion, le funk et la world music : le but de ce deuxième volume était-il de proposer quelque chose de plus varié ?

L : Oui, complètement. Le premier album était un peu monochrome, et axé essentiellement sur la musique rock à son saturé, qui reste notre domaine de prédilection, on ne va pas se mentir. Certains fans du premier volume qui n’étaient pas forcément à la base des férus de musique instrumentale nous ont avoué avoir du mal à l’écouter d’une traite. Nous avons voulu fluidifier l’écoute de « Vol. 2 » en effectuant des détours par le prog, le funk, la pop et la world music. Cela permet aussi à certains des musiciens de sortir de leur zone de confort, ce qui est super intéressant.

RTD : En combien de temps, ont été enregistré les moreaux : parce qu’avec la participation de plus de 29 artistes ; les sessions d’enregistrement doivent être assez longues ?

L : Malgré la bonne ambiance, nous obéissons en studio à un planning très rigoureux, et encore plus cette année avec les normes sanitaires qui nous obligeaient à porter un masque, et à limiter la control room a un nombre limité de personnes. Chaque morceau est enregistré en quatre ou cinq heures, des prises de basse/batterie/guitares rythmique, jusqu’aux solos et aux overdubs. C’est court, il faut être concentré et savoir gérer la pression. Sur place, nous essayons d’offrir à nos guitaristes du confort et de la sécurité. Le luthier Stéphane Garrigue (Tenfifteen Guitars) est toujours dans les parages en cas de pépin, si une guitare se dérègle ou s’il faut changer un jeu de cordes dans la panique. Il y a un catering, une machine à café… On est bien au Studio 180.

RTD : Tu es toi-même musicien et avant tout guitariste : as-tu composé des chansons dans ce nouvel opus ? Si oui, laquelle/lesquelles ? La composition est-elle une étape plaisante pour toi ?

L: J’ai co-composé un morceau qui s’appelle « The Ride of Wisdom » avec Pat O’May, un guitariste breton qui mène sa barque depuis une trentaine d’années, et qui, pour la petite histoire, a été le compositeur de l’émission Thalassa. J’avais quelques idées de mon côté, lui également, et lorsque nous nous sommes retrouvés dans son studio du côté de Saint-Brieuc, tout s’est imbriqué comme par magie. C’est un morceau intéressant… on y trouve des bribes d’influences metal, country et progressives. Comme le dit Pat, c’est un vrai voyage.

RTD : « Funky Enough » est l’un des premier morceau a avoir été révélé, où l’on retrouve Florent Garcia, Yoann Kempst et Régis Savigny : pourquoi avoir choisir ce morceau plutôt qu’un autre ? A-t-il une signification particulière pour toi ?

L: Les deux premiers titres qui ont été révélés sont « Masked and Furious » de Yarol Poupaud et « First Will Be Last » de Nym Rhosilir. « Funky Enough » est pour moi un beau pied de nez à tous ceux qui imaginent que les YouTubeurs sont forcément des musiciens du dimanche qui ne font que de la musique dans leur salon. Florent démontre tout le contraire avec ce morceau. C’est un garçon talentueux, et en studio, il travaille vite et exécute ses parties à la perfection.

RTD : Pour ces deux premiers projets, la plupart des guitaristes sont français : pour l’avenir, auriez-vous envie de collaborer avec plus de guitaristes étrangers comme Joe Satriani, Jimmy Page ou encore Carlos Santana ?

L: Pour Jimmy et Carlos, il faudrait qu’ils se remettent sérieusement à bosser (rires). Plus sérieusement, ce serait beau pour le symbole, même si de telles collaborations semblent assez peu probables, mais bon… la morale de United Guitars, c’est que quand on s’en donne les moyens, les rêves peuvent se réaliser, alors who knows ? Pour Joe ce serait un immense honneur, étant donné ce qu’il représente pour nous tous. Nous nous connaissons et il sait que le projet existe. Un jour, peut-être…

RTD : L’année dernier, le projet s’est produit lors de son propre festival le « United Guitar Fest », qui a eu lieu le 1 et 2 février à l’Européen à Paris ; avec des conférences, des masterclasses, des concerts et une exposition des marques partenaires : ce festival a-t-il vocation à se renouveler ?

L: Tout à fait ! La seconde édition du United Guitars Fest aurait dû se dérouler en février prochain, mais étant donné le chaos ambiant avec le Covid, ce n’est pas juste pas possible. Il y a éventuellement une possibilité en mai, mais pour que nous puissions jouer, il faudrait pouvoir remplir la salle à jauge pleine. Nous verrons…

RTD: Merci pour tes réponses et bonne continuation dans les projets futurs de United Guitars…

 

En remerciant, United Guitars et particulièrement Ludovic pour ses réponses et Roger de Replica Promotion pour l’opportunité de cette interview…

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *